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Bouche cousue – Mazarine Pingeot

Pour la première fois, je désire un enfant.
Je fais ce livre pour toi, l’enfant qui viendra un jour, pour que tu échappes aux mots qui ont tissé ma muselière. Il y a des gens, que nous ne connaissons pas, et qui saccagent mes souvenirs. Je dois maintenant les reconstituer pour t’offrir un passé différent des livres d’histoire et des piles de journaux.
Pendant cinquante-huit ans, il n’était pas mon père. Tu trouveras ces cinquante-huit ans autre part. Tu comprendras qu’ils ne m’appartiennent pas. Qu’ils me font concurrence.
Longtemps, j’ai même ignoré l’orthographe exacte de son nom. Comme tout le monde, j’hésitais entre un R ou deux. J’en avais honte, aussi ne pouvais-je demander à ma mère, encore moins à mon père, comment écrire M-i-t-t-e-r-r-a-n-d.
Il ne m’a pas tout raconté. Mais il ne faut pas croire ce que disent les autres. Les autres parlent toujours d’eux.
Mon témoignage à moi est vivant. Et vivant restera ainsi ton grand-père.

Editions Pocket 2006 – 209 pages

Mon avis : Avant de lire ce témoignage, j’ignorai totalement que François Mitterrand avait « une fille cachée » et qu’il a révélé son existence qu’au bout de vingt ans. C’est ainsi, que Mazarine nous raconte son enfance mais aussi son présent, à travers elle nous faisons connaissance de cet ancien Président de la République en tant que père. Bien que Mazarine ne devait pas dévoiler sa véritable identité, elle a eu quand même des beaux moments de partage avec son père, on ressent une certaine complicité entre eux. Mais, pour Mazarine cela a été aussi dur de ne pas révéler qui elle était et donc de vivre en quelque sorte deux vies et du coup, de ne pas pouvoir s’exprimer ouvertement sur les joies qu’elle ressentait envers son père quand il a été élu président, de devoir cacher ce secret envers les autres élèves….
Ce témoignage que j’ai trouvé intéressant et touchant m’a tout de même un peu dérouté à cause de l’écriture de l’autrice que j’ai trouvé alambiquée et froide aussi, ce qui est vraiment dommage. Malgré ce point négatif, je reconnais tout de même que c’est un récit qui vaut la peine d’être lu puisqu’il aborde des sujets importants comme la notoriété, le mensonge, l’identité de soi, la perte d’un enfant et bien d’autres sujets… Quand on termine la lecture de ce livre, on espère qu’une chose : c’est que Mazarine vit enfin dans le bonheur.

« L’enfance laisse des ambiances. »

« Je n’ai jamais pensé pouvoir lui reprocher quoi que ce soit. Aimer, paraît-il, c’est aussi accepter les faiblesses de l’autre. Je ne me suis jamais octroyé le droit de reconnaître des faiblesses à mon père. Sa seule faute en vérité est de n’être plus là. »

On en parle aussi chez :
Lyvres

Si c’est un homme – Primo Levi

« On est volontiers persuadé d’avoir lu beaucoup de choses à propos de l’holocauste, on est convaincu d’en savoir au moins autant. Et, convenons-en avec une sincérité égale au sentiment de la honte, quelquefois, devant l’accumulation, on a envie de crier grâce.
C’est ce que l’on n’a pas encore entendu Levi analyser la nature complexe de l’état du malheur. Peu l’ont prouvé aussi bien que Levi, qui a l’air de nous retenir par les basques au bord du menaçant oubli : si la littérature n’est pas écrite pour rappeler les morts aux vivants, elle n’est que futilité. » Angelo Rinaldi.

Editions Pocket 2004 – 272 pages

Mon avis : Cela faisait un moment que je voulais lire ce livre, j’attendais juste le bon moment pour le découvrir car ça reste un livre assez dur et qu’il faut néanmoins prendre le temps de lire.
Ici, pas de message, de ressenti de haine envers l’ennemi, Levi nous raconte le quotidien au Lager (camp de travail), les choses terribles que lui et ses camarades doivent endurer, ainsi on se rend compte à quel point les conditions sont difficiles. En période hivernale, c’est encore pire avec le froid qui les assaille et donc, ils doivent penser aux moindres détails pour tenter de rester en vie.
Bien que j’avais quelques connaissances sur l’holocauste, je n’avais jamais pensé à ce que ces hommes devenus esclaves enduraient, c’est juste horrible. Comme le dit l’auteur, la plupart d’entre eux ne pensent même plus, ils n’ont tellement plus d’espoir de sortir du Lager, qu’ils obéissent et travaillent chaque jour comme on leur ordonne sans réfléchir à l’avenir.
Ce livre, nous apprend beaucoup de choses, sur la manière dont ils sont habillés, leur repas, leur travail mais aussi, le système de la Bourse et le trafic avec les civils dont je n’ai pas très bien saisi et qui a été un passage un peu complexe pour moi à suivre.
Bref, s’il y a un livre à lire sur l’holocauste c’est bien celui-ci, d’ailleurs c’est pour cela qu’il a été étudié dans des lycées et en plus, à la fin dans cette édition, l’auteur nous partage les questions qui lui sont souvent posées auxquelles il y répond : j’ai trouvé cela très intéressant.
Pour conclure, c’est un récit marquant que l’on ne peut pas oublier !


« Nous découvrons tous tôt ou tard dans la vie que le bonheur parfais n’existe pas, mais bien peu sont ceux qui s’arrêtent à cette considération inverse qu’il n’y a pas non plus de malheur absolu. »

« Qu’on imagine maintenant un homme privé non seulement des êtres qu’il aime, mais de sa maison, de ses habitudes, de ses vêtements, de tout enfin, littéralement de tout ce qu’il possède : ce sera un homme vide, réduit à la souffrance et au besoin, dénué de tout discernement, oublieux de toute dignité : car il n’est pas rare quand on a tout perdu, de se perdre soi-même ; ce sera un homme dont on pourra décider de la vie ou de la mort le cœur léger, sans aucune considération d’ordre humain, si ce n’est, tout au plus, le critère d’utilité. On comprendra alors le double sens du terme « camp d’extermination » et ce que nous entendons par l’expression « toucher le fond » ».

« …puisque même ici il est possible de survivre, nous devons vouloir survivre, pour raconter, pour témoigner ; et pour vivre, il est important de sauver au moins l’ossature, la charpente, la forme de la civilisation. »

« Nous sommes des esclaves, certes, privés de tout droit, en butte à toutes les humiliations, voués à une mort presque certaine, mais il nous reste encore une ressource et nous devons la défendre avec acharnement parce que c’est la dernière : refuser notre consentement. »

« La conviction que la vie a un but est profondément ancrée dans chaque fibre de l’homme, elle tient à la nature humaine. »

« C’est curieux comme, d’une manière ou d’une autre, on a toujours l’impression qu’on a de la chance, qu’une circonstance quelconque, un petit rien parfois, nous empêche de nous laisser aller au désespoir et nous permet de vivre. »

On en parle aussi chez :
Marinette

Le Libraire de Kaboul – Asne Seierstad

Asne Seierstad a vécu le printemps qui suivit la défaite des talibans chez Sultan Khan, libraire à Kaboul. Elle nous fait partager, dans ce récit très vivant et toujours respectueux, la vie quotidienne des épouses, enfants, frères et sœurs d’une famille où chaque destin est riche d’émotion et dont le chef incontestable est Sultan, l’amoureux des livres.
« Quand les communistes sont arrivés, raconte-t-il, ils ont brûlé tous mes livres, après il y a eu les moudjahidin, trop occupés à se battre entre eux pour se soucier de moi, mais une fois le régime des taliban installé, mes livres étaient de nouveau condamnés au bûcher. »
A travers cette chronique saisissante, c’est un Afghanistan aux mille facettes que l’on découvre, un pays en ruine et pleine renaissance où un peuple tente timidement de se défaire du passé dans l’espoir d’une vie meilleure.

Editions Le Livre de Poche 2005 – 346 pages

Mon avis : L’autrice, de nationalité norvégienne, est aussi une correspondante de guerre. C’est en novembre 2001 qu’elle arrive à Kaboul et fais connaissance de Sultan Khan où elle séjournera dans sa famille et qu’avec son accord elle écrira ce livre.
Ainsi, à travers ce récit et la famille Khan, nous apprenons beaucoup sur les mœurs, la religion, le mariage, l’impact des talibans etc…
De manière romancé, on suit donc la famille Khan, et bien que je le savais, j’ai été choqué de la manière dont les femmes sont « traitées » par les hommes. De plus, personne n’a son mot à dire puisque tous les membres de la famille doivent obéir à Sultan.
Le mariage est aussi quelque chose de terrible pour les femmes puisqu’il leur est interdit de donner leur avis sur leur futur époux. Par contre, c’est une grande cérémonie qui demande pas mal de préparation en tenues, maquillage, henné.
Outre tout cela, l’autrice nous parle aussi de l’Afghanistan en nous décrivant le paysage avec des maisons à moitié détruites par des guerres, on y voit encore des impacts de balles par-ci par-là. Elle nous raconte aussi la contrebande avec le Pakistan.
Bref, je ne pourrai pas tout vous dire mais, c’est un livre très enrichissant et en plus avec la manière dont il est écrit, il se lit très vite et n’est pas barbant car comme dans un roman, on suit des personnages donc ici : les membres de la famille Khan.

« Le désir d’amour d’une femme est tabou en Afghanistan. Il est interdit aussi par le strict code de l’honneur des clans que pas les mollahs. Les jeunes gens ne peuvent prétendre à aucun droit de se rencontrer, de s’aimer, de choisir. L’amour a peu à voir avec la romance, qui bien au contraire peut constituer un crime grave, puni de mort. Les indisciplinés sont assassinés de sang-froid. Quand un seul des deux subit la peine de mort, c’est toujours, sans exception, la femme. »

« Les jeunes femmes sont avant tout un objet d’échange ou de vente. Le mariage est un contrat conclu entre les familles ou au sein des familles. Son utilité pour le clan est un facteur décisif – les sentiments entrent rarement en ligne de compte. »

« Si l’on veut remettre le pays sur pied, cela ne changera rien de se taper la tête contre le sol. Tout ce que nous savons faire, c’est invoquer, prier et faire la guerre. Mais les prières ne valent rien si les gens ne travaillent pas. »

« Il est peu de gens dont il soit aussi facile de se moquer que d’un voleur qui s’est fait pincer. »

Une femme à Berlin : Journal 20 avril – 22 juin 1945

La jeune Berlinoise qui a rédigé ce journal, du 20 avril 1945 – les Soviétiques sont aux portes – jusqu’au 22 juin, a voulu rester anonyme, lors de la première publication du livre en 1954, et après. A la lecture de son témoignage, on comprend pourquoi.
Sur un ton d’objectivité presque froide, parfois poignant, parfois comique, c’est la vie quotidienne dans un immeuble quasi en ruine, habité par des femmes de tout âge, des hommes qui se cachent : vie misérable, dans la peur, le froid, la saleté et la faim, scandée par les bombardements d’abord, sous une occupation brutale ensuite. S’ajoutent alors les viols, la honte, la banalisation de l’effroi.
C’est la véracité sans fard et sans phrases qui fait la valeur de ce récit terrible, c’est aussi la lucidité du regard porté sur un Berlin tétanisé par la défaite. Et la plume de l’auteur anonyme rend admirablement ce mélange de dignité, de cynisme et d’humour qui lui a permis, sans doute, de survivre.

Editions Folio 2008 – 400 pages

Mon avis : Voilà un livre dont j’avais hâte de découvrir mais qui au final s’avère être pour moi une lecture pour laquelle je suis un peu mitigée sur mon ressenti. Autant j’ai apprécié ce ton un peu désinvolte de l’autrice quand elle parle de choses horribles comme des « rapports forcés », ça en devient même à la lire une banalité pour toutes les femmes qui ont subi ce sort. D’un autre côté, ce ton employé m’a fait prendre une distance avec ce récit car je n’ai pas ressenti d’émotions aux horreurs que les femmes ont enduré ni aux ravages de cette guerre.
Sinon, on se rend compte également que les journées dans cet immeuble sont très répétitives, que cette communauté qui l’habite n’ont plus d’intimité, ils vivent pour survivre à cette guerre. Ils vont aussi faire connaissance avec des russes car il y a aussi des hommes bien néanmoins dans les gradés.
Pour conclure, « Une femme à Berlin » est un récit intéressant mais que j’ai trouvé trop monotone. Alors oui, c’est ce qu’ont vécu l’autrice et ses connaissances néanmoins, j’aurai voulu un peu plus de détails sur les conséquences de cette guerre autres que les viols.

« Aujourd’hui, tout est à tout le monde. On n’a plus qu’un lien très lâche avec les objets et on ne fait plus guère de distinction entre ce qui est à soi ou aux autres. »

« Chaque jour nouveau qui nous trouve en vie est un jour de triomphe. »

« On y voit des enfants d’une jeunesse effarante, des visages blancs comme le lait sous des casques d’acier dix fois trop grands, on perçoit avec horreur le timbre de leurs voix claires. Ils ont tout au plus quinze ans, ont l’air si minces et si frêles dans leur uniforme qui flotte autour de leurs membres. »

« En tout cas, je sais une chose : c’est que dans la mêlée du combat, dans le feu de l’action, on ne pense à rien. Et qu’on ne ressent même pas la peur, parce que l’esprit est ailleurs et qu’on est entièrement pris par ce qu’on fait. »

« Quelles que soient les formules ou les bannières auxquelles les peuples se rallient, quels que soient les dieux auxquels ils croient ou leur pouvoir d’achat : la somme des larmes, des souffrances et des angoisses est le prix que doit payer tout un chacun pour son existence, et elle reste constante. »

« Vaincre la mort rend plus fort. »